Mon expérience dans un refuge pour les paresseux au Costa Rica

Refuge paresseux écovolontaire

AMÉRIQUES,  COSTA RICA,  VOYAGE ÉCORESPONSABLE

Au printemps, je suis partie au Costa Rica pour effectuer mon stage de Master 2. J’étudiais la conservation de la biodiversité, et je voulais profiter de mon mémoire pour allier études, environnement et voyage.

Je suis donc entrée en contact avec un refuge pour les paresseux au Costa Rica, le Sloth Institute. J’ai pu y rester pendant 6 mois pour mener mon propre projet de recherche !

Je vous raconte mon expérience et le quotidien des écovolontaires. Qui sait, ça pourrait vous donner des idées !

Quelles sont les menaces qui pèsent sur les paresseux au Costa Rica ?

Il y a deux espèces de paresseux au Costa Rica : les paresseux à deux doigts, Choloepus hoffmanni, et les paresseux à trois doigts, Bradypus variegatus.

Fun fact : le nombre de doigts est différent entre les deux espèces, mais pas leurs orteils, 3 pour les deux ! L’appellation en anglais de two ou three-toed sloths est donc faussée.

À part le nombre de leur doigts, les deux espèces ont d’autres différences, comme leur apparence et, jusqu’à un certain point, leur comportement et leur nourriture. Leur point commun : elles sont toutes deux classées Least concern (non-menacée) sur la Liste Rouge de l’UICN.

Pour autant, ça n’empêche pas les paresseux du Costa Rica de faire face à des menaces. Beaucoup sont dues aux humains, directement ou indirectement. Le Costa Rica a beau être un exemple en matière d’écoresponsabilité, il y encore des menaces pour la biodiversité.

Les prédateurs naturels des paresseux

Les prédateurs naturels des paresseux incluent les félins, comme les ocelots (Leopardus pardalis) par exemple, et les aigles harpies (Harpia harpyja), disparus au Costa Rica.

D’autres prédateurs s’ajoutent aujourd’hui à la liste, indirectement liés aux activités humaines : les chiens. On trouve au Costa Rica de nombreux chiens, errants ou domestiques. Il n’est pas rare qu’ils s’attaquent à des paresseux qui se seraient aventurés trop près du sol.

Les attaques de chiens laissent souvent les paresseux gravement blessés, et ne sont pas à proprement parler « naturelles ». Elles n’ont pas permis à l’animal de se nourrir comme c’est le cas des prédateurs naturels.

La déforestation

Avec la multiplication des activités humaines, les paresseux sont également menacés par la déforestation. Elle se fait au profit du développement immobilier et de l’agriculture intensive. Les paresseux vivent dans la forêt et voient leur habitat se réduire. Dans le même temps, les zones intactes sont de plus en plus isolées les unes des autres, ce qui menace la diversité.

Les électrocutions

Avec l’urbanisation, les lignes électriques se multiplient et constituent une cause majeure de mort ou de blessures pour les paresseux. Ces animaux sont arboricoles, ils vivent dans les arbres. Ils n’en descendent qu’environ une fois par semaine pour faire leur besoin.

Le reste du temps, ils vivent dans la canopée et se déplacent en utilisant des branches ou des lianes qui relient les arbres entre eux. Les lignes électriques sont malheureusement très semblables à ces lianes. Les paresseux s’en servent pour se déplacer et s’électrocutent.

Le tourisme

Dernière menace et pas des moindres, le tourisme. La popularité des paresseux auprès des touristes les met en danger. Vous avez très probablement eu l’occasion de voir des photos de paresseux souriant dans les bras d’un touriste. On trouve facilement en Amérique Latine des attractions, voire des centres qui se prétendent refuges, proposer ces « sloth selfies« .

Le problème, c’est que le contact avec des humains cause énormément de stress aux paresseux. Ils sont parfois capturés dans la nature pour soutenir cette industrie touristique. On les croit souriants. En vérité, les paresseux ont naturellement ce « sourire », ils n’ont pas les muscles faciaux pour afficher d’autres expressions.

Le meilleur moyen de découvrir responsablement les paresseux, c’est en les observant dans la nature. Évitez de partager (ou prendre) des photos où ils apparaissent avec un humain.

Bonne nouvelle, les réseaux sociaux s’y mettent doucement. Si vous cherchez #slothselfie sur Instagram vous verrez un avertissement comme quoi les « publications associées à ce hashtag peuvent soutenir des comportements nuisibles pour les animaux ».

(Bon ça ne prend pas en compte les variations de ce hashtag, et on est loin de voir Instagram modérer ces publications, alors qu’ils sont quand même plutôt réactifs quand il s’agit de publications montrant des corps de femmes dans un contexte non-sexiste, mais c’est un autre débat, hein).

Quel est le rôle d’un refuge pour les paresseux ?

À présent que vous êtes plus familiers avec les menaces diverses qui pèsent sur les paresseux, vous vous demandez peut-être comment y remédier ? Prévenir ces risques reste un travail de longue haleine, qui vient à la fois du côté des citoyens mais aussi des pouvoirs publics.

Anticiper les menaces

La situation s’arrange peu à peu au Costa Rica. Près d’un quart du territoire est protégé et les constructions sur le littoral sont très restreintes, voire interdites. La déforestation, très importante il y a encore 40 ans, a aujourd’hui énormément diminué et le pays se recouvre à nouveau de forêts.

À un niveau plus individuel, les citoyens ont pris conscience de l’importance de la biodiversité, ainsi que de son potentiel financier. Ils se tournent de plus en plus vers l’écotourisme.

Des initiatives privées voient le jour pour protéger la forêt, en plus des parcs nationaux. J’ai eu l’occasion de découvrir ces initiatives à travers la réserve privée Rainmaker ou la réserve de Santa Elena à Monteverde, par exemple.

Soigner les animaux

Les refuges pour les paresseux, ou rescue centers en anglais, participent à la prévention. Mais ils sont surtout spécialisés dans le soin des paresseux. Leur rôle est de recueillir, parfois à l’appel de particuliers, des paresseux blessés ou malades. Après les avoir soignés, ils les relâchent dans la nature.

Les refuges ont de multiples casquettes. En plus des soins aux blessés, ils peuvent également recueillir des bébés paresseux et les élever en vue de les relâcher. C’est une tâche bien plus délicate que de soigner des adultes.

Les refuges peuvent également avoir un rôle de sensibilisation, en accueillant du public pour leur faire découvrir leur travail et recevoir des dons. Ils peuvent aussi organiser des sorties pour découvrir les paresseux dans leur environnement naturel, comme c’était le cas pour mon refuge.

Enfin, ils se limitent rarement aux paresseux, même s’ils se spécialisent dans ces espèces. Au cours de mon expérience, nous avons pu recueillir des oiseaux, des singes et même un inoubliable bébé fourmilier, Schumer.

Trouver un refuge pour les paresseux responsable

Je parlais plus tôt des dangers du tourisme pour les paresseux. Ça soulève un problème bien concret si vous souhaitez devenir écovolontaire : comment trouver un refuge pour les paresseux qui soit responsable ?

Je ne suis pas une grande adepte de l’écovolontariat. J’en parlerai peut-être un jour plus en détail dans un article, mais je trouve que l’écovolontariat peut nuire plus qu’il ne participe à la conservation de la biodiversité.

Les séjours en écovolontariat sont souvent excessivement chers et sans utilité en matière de protection ou de sensibilisation. Dans le pire des cas, ce sont des centres qui rapportent beaucoup d’argent. Ils permettent juste aux volontaires de nourrir et câliner les animaux, une aberration sous un vernis de greenwashing.

Le fait même de payer pour travailler ne me choque pas tant que ça. Les refuges forment les volontaires et sont souvent en grande partie financés grâce à ça.

Mais les écovolontaires doivent être là pour travailler directement au bien-être des animaux, et c’est souvent plus fatigant et moins sexy que de donner le biberon à des lionceaux.

Si vous songez à faire de l’écovolontariat dans un refuge pour les paresseux, ou pour tout autre espèce d’ailleurs, renseignez-vous bien. Visitez les réseaux sociaux et le site web du centre, ils publient souvent l’expérience d’anciens volontaires. Vous devriez pouvoir trouver une liste des tâches, même les moins reluisantes, pour vous faire une idée de la réelle utilité de votre travail.

D’autre part, le contact avec les animaux doit être gardé au minimum. Certains refuges ne sont même pas ouverts au public et se concentrent sur le soin aux paresseux. Pour les centres qui accueillent des visiteurs, ils sont censés garder un rôle purement de sensibilisation et d’information, pas d’attraction.

Le quotidien d’un-e écovolontaire

Étant présente pour mon mémoire, je n’étais pas vraiment une écovolontaire à proprement parler. Mais j’ai pu passer la majeure partie de mon temps avec eux (sur le terrain ou au bar) et nous avons été formés ensemble.

J’ai même pu leur déléguer une partie de ma prise de donnée, sur le terrain, et les former. Autant dire que je connais bien la journée type d’un écovolontaire et qu’elle n’est pas si éloignée de la mienne.

Les soins

Au milieu de la nuit, le téléphone sonne. Un paresseux vient de s’électrocuter sur une ligne électrique. C’est le matin, les clients d’un hôtel ont vu un paresseux tomber d’un arbre.

Quelle que soit l’heure de la journée, le temps, le refuge reçoit des appels d’urgence pour des paresseux blessés et se déplace pour les secourir. Le centre est équipé pour des soins légers, en cas de brûlures, de petites plaies ou de chutes.

Très souvent, lorsque les paresseux chutent d’un arbre, ils s’en sortent sans une égratignure. L’évolution les a rendu très résistants. Pour les cas les plus graves, il faut se déplacer dans une clinique vétérinaire.

Dans tous les cas, il faut pouvoir examiner le paresseux. Si possible, c’est le moment de prélever des échantillons de sang, de poils et prendre des mesures pour récolter des données.

Il est parfois nécessaire de garder un paresseux en observation, ou de le soigner sur le long-terme, comme par exemple dans le cas de maladies comme la gale (comme Merlin ci-dessous). Dans ces cas il faut pouvoir maintenir les paresseux captifs dans de bonnes conditions et le moins longtemps possible.

Les écovolontaires vont pouvoir aider à manipuler les paresseux pendant les soins ou les mesures. Gare aux morsures des paresseux à deux-doigts, très agressifs contrairement à ce qu’on pourrait croire !

Pour les soins sur la durée, ils vont pouvoir aider à appliquer les soins quotidiennement, surveiller les « récréations » des patients qui prennent l’air et leur procurer de la nourriture.

La nourriture

Les deux espèces sont folivores, leur régime alimentaire se compose quasi-exclusivement de feuilles. Chaque espèce, et même chaque individu a ses préférences. Mais il s’agit généralement de jeunes feuilles tendres, issues d’arbres particulièrement appréciés, comme les arbres du genre Cecropia.

Les écovolontaires parcourent le site quotidiennement pour couper des branches et apporter de la nourriture fraîche et variée aux pensionnaires.

La sensibilisation

Certains centres ouverts au public peuvent proposer des visites. D’autres proposent des tours d’observation de la vie sauvage. Au cours de ces tours, les clients peuvent observer des paresseux sauvages, mais aussi les nombreuses autres espèces qui vivent dans la zone. Certains écovolontaires à long terme peuvent assurer ces tours, ou intervenir dans des évènements locaux pour sensibiliser le public.

La recherche

Les refuges pour les paresseux peuvent accueillir les projets de recherche de chercheurs extérieurs, voire mener leurs propres études. Certains paresseux sauvages portent des collier GPS ou radio qui permettent aux écovolontaires de les traquer quotidiennement. On peut ainsi étudier leurs déplacements, leur mode de vie ou juste vérifier qu’ils sont en bonne santé.

Les écovolontaires peuvent également être amenés à observer pendant plusieurs heures un individu pour mieux étudier son comportement. D’autres encore peuvent participer à toutes sortes de tâches pour aider à un projet de recherche. J’ai pu en profiter dans le cadre de mon expérience.

Mon expérience en tant qu’étudiante-chercheuse

J’ai passé 6 mois dans un refuge pour les paresseux pour y effectuer mon mémoire, dans le cadre d’un Master en Conservation de la Biodiversité. Il a consisté en l’élaboration d’un projet de recherche pour répondre à une problématique.

En l’occurrence, j’ai étudié les préférences d’habitat des paresseux dans des zones perturbées par le tourisme et l’urbanisation. Pour vous expliquer, j’ai étudié quels étaient les types d’habitats que les paresseux préféraient dans les terres d’un grand hôtel.

Les paresseux s’adaptent bien à des environnements perturbés par l’activité humaine, mais je me suis intéressée à savoir quelles caractéristiques ils pouvaient bien privilégier dans ces environnements pour pouvoir y rester.

Pour répondre à cette question, j’ai créé un protocole pour récolter des données sur le terrain. J’ai ensuite analysé ces données pour pouvoir en tirer des conclusions et si possible, des recommandations à appliquer sur le terrain pour mieux protéger les paresseux qui y vivent. C’est ce qu’on appelle la recherche appliquée.

Les écovolontaires ont pu m’aider dans le cadre de mon mémoire pour toute la partie de la récolte de données. J’avais une zone assez importante à couvrir en un temps limité et généralement en recherche, plus on a de données, mieux c’est.

J’ai donc pu former des écovolontaires à la prise de données, leur expliquer mon étude et ses enjeux et ils ont pu participer avec moi à essayer de mieux protéger les paresseux sauvages.

À quoi s’attendre en tant qu’écovolontaire ?

Les journées d’un écovolontaire sont longues et fatigantes, avec peu de journées libres. Ils travaillent de jour comme de nuit, les paresseux à deux doigts étant plutôt nocturnes. Ils passent de longues heures dans la jungle, par tous les temps, qu’il fasse 35 °C ou que ce soit la mousson.

Ils peuvent tomber sur des serpents, des araignées et autres bestioles généralement peu appréciées. Ils partagent leurs espaces de vie, voire les chambres (avec d’autres écovolontaires mais aussi avec des ratons-laveurs et/ou des cafards, true story).

Être écovolontaire, d’après mon expérience en refuge pour les paresseux, c’est dur. Mais c’est aussi très gratifiant.

C’est découvrir la nuit dans la jungle, quand il n’y a que le bruit de la pluie qui tombe sur les feuilles pour troubler la musique de la vie nocturne.

C’est regarder un jeune paresseux à deux doigts apprendre à trouver sa propre nourriture et interagir avec ces congénères.

C’est, pour les plus chanceux, apercevoir furtivement un ocelot s’enfuir au détour d’un chemin.

C’est savoir que si ce paresseux blessé a pu vivre ne serait-ce qu’un jour de plus, c’est grâce à notre travail.

Est-ce que cet article vous a donné envie de faire du volontariat dans un refuge pour les paresseux au Costa Rica ?

Retour en haut